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Poitique

L’Egypte : Pivot du partenariat russo-africain

En accueillant la deuxième Conférence ministérielle du Forum Russie-Afrique, l’Egypte confirme son rôle de porte d’entrée sur le continent pour une Russie en quête d’un ancrage durable.

Durant deux jours, les 19 et 20 décembre, Le Caire est devenu l’épicentre de la diplomatie continentale en accueillant la deuxième Conférence ministérielle du Forum de partenariat Russie-Afrique. Réunissant plus de 50 délégations, cet événement marque un tournant : il s’agit de la première réunion de cette instance organisée sur le sol africain. En ancrant ainsi le dialogue au coeur du continent, cette conférence balise concrètement la voie vers le troisième sommet Russie-Afrique prévu pour 2026. Avec la tenue de cette rencontre au Caire, l’Egypte réaffirme son statut d’acteur central de la stratégie russe sur le continent. En s’appuyant sur sa position géostratégique et son poids économique, Le Caire a contribué à donner une impulsion à la coopération multilatérale dans les domaines du commerce, de l’énergie et de la sécurité.

Le Sommet russo-africain a été l’occasion d’une rencontre bilatérale entre le président égyptien Abdel Fattah Al-Sissi et le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov. Au cours de leurs échanges, le chef de l’Etat a insisté sur le renforcement des liens stratégiques, appelant à accélérer la mise en oeuvre des grands chantiers communs. Il a mis en exergue deux projets emblématiques servant de vitrines à cette coopération : la construction de la centrale nucléaire d’Al-Dabaa, l’un des plus grands projets d’infrastructure du pays, et la création de la zone industrielle russe au sein de la Zone économique du Canal de Suez (SCZone). Pour le professeur de sciences politiques Ekram Badr Eddine, ces infrastructures ne sont pas de simples contrats commerciaux, elles constituent un véritable modèle de coopération pour l’ensemble des nations africaines, s’inscrivant dans la continuité historique du soutien soviétique lors de l’édification du Haut-Barrage d’Assouan. « Dans cette perspective, l’Egypte ne se contente plus d’être un partenaire passif, mais devient un laboratoire technologique et un médiateur de savoir-faire pour tout le continent », explique-t-il.

Parallèlement aux discussions avec Moscou, le président Al-Sissi a porté un message fort lors d’une réunion avec des ministres et des chefs de délégations africaines participant à la deuxième Conférence ministérielle du Forum de partenariat Russie-Afrique au Caire. Il a affirmé que l’Egypte encourage activement ses entreprises à multiplier les partenariats à travers le continent, révélant que les investissements égyptiens en Afrique ont franchi la barre des 12 milliards de dollars, tandis que les échanges commerciaux ont dépassé les 10 milliards de dollars. Pour soutenir cette dynamique, Le Caire a lancé une agence dédiée à la garantie des exportations et des investissements sur le continent. Lors de la réunion, le président a exposé les cinq piliers de la vision égyptienne pour le développement du continent : le soutien à la mise en oeuvre de corridors stratégiques et de zones logistiques, le renforcement de la coopération énergétique et de l’interconnexion électrique, l’appui au développement agricole afin de garantir la sécurité alimentaire, la promotion du commerce intra-africain, ainsi que l’intensification de la coopération en matière de télécommunications et d’intelligence artificielle.

L’engagement égyptien se manifeste également par le soft power et le transfert de compétences. Le président a souligné le rôle crucial de l’Agence égyptienne de partenariat pour le développement, qui a déjà mis en oeuvre plus de 700 programmes de formation à travers l’Afrique. Pour Ramadan Qarni, spécialiste des affaires africaines, cette expertise institutionnelle fait du Caire l’acteur idéal pour bâtir un partenariat tripartite (Egypte-Russie-Afrique) visant à former les cadres nationaux africains dans des secteurs vitaux tels que les infrastructures, la santé et le numérique. Il explique que cette centralité égyptienne est tout sauf symbolique. « Les puissances internationales, notamment la Russie, perçoivent Le Caire comme la porte d’entrée naturelle de l’Afrique », explique l’expert. Les indicateurs économiques valident cette perception : alors que le volume total des échanges entre la Russie et l’Afrique culmine à environ 27 milliards de dollars, l’Egypte en capte à elle seule le tiers, soit près de 9 milliards de dollars. Ce poids économique confère au Caire une influence politique majeure, confirmée par Sergueï Lavrov, qui a annoncé, lors de son passage au Caire, la volonté de Moscou d’organiser un sommet Russie-monde arabe en 2026, parallèlement à la prochaine édition du Forum Russie-Afrique.

Réforme de l’ordre mondial

Sur le plan multilatéral, le ministre égyptien des Affaires étrangères, Badr Abdelatty, qui a présidé la séance plénière aux côtés de Sergueï Lavrov et du ministre angolais Tete Antonio, a déclaré que cette conférence reflétait « la profondeur des relations historiques qui unissent le continent africain à la Fédération de Russie ». Il rappelle que ce partenariat, lancé à Sotchi en 2019, représente une alternative crédible dans un contexte de déclin de l’efficacité des mécanismes internationaux traditionnels.

Le ministre a fermement réitéré la position unifiée du continent sur la réforme du Conseil de sécurité de l’ONU, conformément au Consensus d’Ezulwini et à la Déclaration de Syrte. L’Afrique plaide désormais pour l’octroi de deux sièges permanents et pour une augmentation de sa représentation non permanente. Cette revendication de justice internationale s’accompagne d’un appel à réformer les structures financières mondiales, afin de favoriser le transfert de technologies et l’accès à des financements concessionnels.

Alors que Moscou salue l’adhésion de l’Egypte aux BRICS, Le Caire maintient son rôle de médiateur dans les crises régionales (Gaza, Soudan, Libye), tout en appelant à une résolution de la crise russo-ukrainienne. Pour la diplomatie égyptienne, l’arrêt des hostilités est impératif afin de permettre un retour au calme économique, de nombreux pays africains ayant été durement impactés depuis février 2022. En définitive, l’Egypte s’impose comme le garant d’un partenariat fondé sur le respect mutuel et les aspirations de l’Agenda 2063.

 

 Russie-Afrique : Les trois axes de coopération

La deuxième Conférence ministérielle du Forum de partenariat Russie-Afrique, tenue sous l’égide de la Fondation Roscongress, marque une étape décisive dans la consolidation des relations multilatérales entre Moscou et le continent africain. En réunissant les chefs de la diplomatie de 50 pays africains, cet événement a permis de transformer les acquis des sommets de Sotchi (2019) et de Saint-Pétersbourg (2023) en une dynamique de coopération concrète. Axée sur le commerce, la sécurité et l’investissement, cette rencontre a défini des mesures pragmatiques visant à approfondir des partenariats multidimensionnels, avec une priorité accordée aux secteurs névralgiques de l’énergie et de l’agriculture.

Cette première réunion ministérielle organisée en terre africaine ne s’est pas contentée de préparer le sommet de 2026 ; elle a également scellé une vision commune de la géopolitique mondiale. Au coeur des débats figure la volonté de bâtir un ordre mondial multipolaire, fondé sur les principes de souveraineté et de non-ingérence. La Russie et ses partenaires africains ont ainsi réaffirmé l’urgence de réformer le Conseil de sécurité de l’ONU. L’objectif est clair : corriger l’injustice historique faite à l’Afrique en lui octroyant une place de choix au sein des instances de décision internationales, afin que la gouvernance mondiale reflète enfin la diversité des puissances contemporaines.

Sur le volet de la paix, la conférence a réaffirmé le lien indissociable entre stabilité et développement, tout en rejetant les sanctions unilatérales et les politiques de coercition jugées contraires au droit international. Privilégiant des solutions portées par l’Afrique elle-même, à travers l’architecture de paix et de sécurité de l’Union africaine, le partenariat s’étend désormais à de nouveaux défis stratégiques tels que la lutte contre le terrorisme, la cybersécurité et l’utilisation pacifique de l’espace. Cette coopération élargie témoigne d’une volonté commune de s’affranchir des dépendances traditionnelles, afin de garantir la souveraineté du continent.

Le troisième axe consacre la souveraineté économique et technologique à travers une feuille de route alignée sur l’Agenda 2063, privilégiant le transfert de technologies, la transformation numérique et le soutien à la Zone de Libre-Echange Continentale Africaine (ZLECAf). Plaidant pour une refonte du système financier mondial, les participants ont appelé à un traitement plus équitable de la dette et à un accès facilité aux financements, afin de garantir la souveraineté sanitaire et énergétique du continent.

Enfin, le forum a salué le rôle pivot de l’Egypte, soulignant son leadership dans les efforts de reconstruction post-conflit, ainsi que son engagement en faveur de la médiation régionale, notamment dans la bande de Gaza

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