Dans le cadre des célébrations du 150e anniversaire de la création de la Fondation Al-Ahram, Al-Ahram Hebdo organise, le 29 novembre, la 1re Conférence économique égypto-africaine. Objectif : mettre la lumière sur les perspectives de l’intégration économique en Afrique. Focus.
C’est sous le thème « L’Afrique que nous voulons : intégration et partenariat pour l’avenir » qu’Al-Ahram Hebdo lance la première édition de sa Conférence économique égypto-africaine. Placée sous le haut patronage du premier ministre, Mostafa Madbouly, cette conférence s’inscrit dans le cadre des célébrations du 150e anniversaire de la création d’Al-Ahram. Prévue le 29 novembre à la salle Naguib Mahfouz au sein de la Fondation Al-Ahram, cette journée de débats de haut niveau réunira ministres, ambassadeurs africains, chefs d’entreprises et experts. L’objectif principal est de mettre en lumière les nouvelles perspectives de l’intégration économique africaine, avec un accent particulier sur la mise en oeuvre de la Zone de Libre-Echange Continentale Africaine (ZLECAf). « Ce moment est crucial, car l’Afrique est au coeur de l’actualité mondiale, notamment en matière de démographie, de technologie et de transition énergétique », a déclaré Névine Kamel, rédactrice en chef d’Al-Ahram Hebdo. Et d’ajouter : « En tant que médias, notre mission est de créer le dialogue et de susciter l’action. Cette conférence n’est pas un simple forum, mais un rendez-vous politique et économique essentiel, qui réunit les décideurs les plus influents face aux défis de l’industrialisation et du financement ».

Diplomatie économique en faveur du développement
La conférence s’ouvrira sur une séance dont le thème donne le ton de la journée : « La diplomatie économique : un moteur du développement en Afrique ». Cette séquence mettra en lumière la diplomatie économique en tant que levier de croissance sur le continent. Il s’agit d’une nouvelle diplomatie douce, axée sur les contrats de partenariat et les investissements plutôt que sur les slogans. La notion-clé est de forger l’unité par l’économie, en intégrant la politique étrangère aux outils de développement, de finance, de commerce et d’expertise accumulée. Pour l’Egypte, l’enjeu est de renforcer sa présence sur les marchés africains et de positionner ses infrastructures et son savoir-faire comme leviers pour l’ensemble du continent. Cette vision sera portée par des figures-clés, notamment Rania Al-Mashat, ministre de la Planification, du Développement économique et de la Coopération internationale, qui représentera le premier ministre, et Mohamadou Labarang, doyen du groupe des ambassadeurs africains, soulignant l’engagement continental du Caire. Ils insisteront sur l’urgence de coordonner les politiques nationales avec la dynamique continentale, afin que l’intégration régionale ne reste pas un concept théorique, mais devienne un moteur de croissance concret pour tous les pays membres. La présence de l’ambassadeur Ali Darwish, chef de la délégation permanente de l’Union africaine auprès de la Ligue des Etats arabes, et de Haytham El-Maayergi, vice-président exécutif de la Banque africaine d’import-export (Afreximbank), confirme la dimension institutionnelle et financière de cette séance pour transformer les ambitions en réalité.

ZLECAf, passer à l’exécution
Entrée en vigueur en 2021, la ZLECAf est l’acte fondateur par lequel l’Afrique a fait le choix audacieux de l’intégration régionale. La ZLECAf représente bien plus qu’un accord économique : c’est un levier essentiel pour la souveraineté économique du continent dans un monde marqué par la montée du protectionnisme et la reconfiguration des chaînes de valeur mondiales. Bien que le potentiel du marché dépasse les 3 000 milliards de dollars, le commerce intra-africain stagne toujours sous la barre des 17 %, contre plus de 60 % en Europe. Les experts estiment d’ailleurs que l’acheminement d’un conteneur entre deux pays africains peut souvent coûter jusqu’à deux fois plus cher que son acheminement vers l’Europe ou l’Asie. Selon ces experts, la fragmentation actuelle du commerce mondial pourrait offrir à l’Afrique une fenêtre de repositionnement stratégique dans les nouvelles géopolitiques de l’économie. Le premier panel, intitulé « De l’accord à l’exécution : activation des investissements et des infrastructures pour accélérer la ZLECAf », s’attaque de front aux défis structurels, notamment la nécessité de finaliser rapidement les négociations tarifaires. Ce panel sera modéré par Dr Abdelaziz El-Sherif, président de l’Agence égyptienne de représentation commerciale. Les débats impliqueront plusieurs officiels-clés. Le général Yasser Abbas, vice-président exécutif de l’Autorité générale pour l’investissement et les zones franches (GAFI), abordera les mécanismes de facilitation de l’investissement privé pour faire du continent une plateforme de production et d’exportation. De son côté, le général ingénieur Hossam El-Din Mostafa, vice-ministre des Transports chargé des affaires africaines, détaillera comment renforcer les corridors logistiques et transformer les mégaprojets de transport en corridors économiques intégrés. Enfin, Ahmed Amouy, président de l’Autorité égyptienne des douanes, discutera de la transformation numérique des douanes et de la simplification des règles d’origine. Des acteurs majeurs de l’industrie, à l’image de l’ingénieur Mohamed Abdel-Samad, directeur général de Nissan Egypt, définiront comment l’Egypte peut servir de hub logistique et industriel pour dynamiser les échanges. L’ambassadeur de la République Démocratique du Congo (RDC), Jean-Baptiste Kasongo Musenga, partagera la vision de son pays, riche en ressources minérales cruciales pour la connectivité régionale et l’industrialisation. Pour conclure, la session identifiera un autre obstacle majeur : le déficit en compétences et en cadres qualifiés pour gérer les complexités du libre-échange. Le professeur Thierry Verdel, recteur de l’Université Senghor d’Alexandrie, soulignera l’importance du développement des cadres spécialisés et de l’investissement dans l’éducation pour combler ce déficit administratif et technique.

Industrialiser l’Afrique
Le deuxième panel s’intitule « Bâtir une identité industrielle compétitive ». Le défi est immense : l’Afrique est riche en ressources, mais reste prisonnière du modèle d’exportation des matières premières, important des produits finaux à un coût élevé. Le but de la session est de déterminer non seulement quoi fabriquer, mais surtout comment fabriquer de manière compétitive. La discussion portera sur les secteurs industriels prioritaires sur lesquels le continent doit se concentrer pour maximiser la valeur ajoutée de ses ressources. Elle identifiera également les produits-clés sur lesquels l’industrie égyptienne doit se concentrer pour alimenter les chaînes de valeur régionales. En effet, l’industrie manufacturière ne représente qu’un peu plus de 10 % du PIB sur l’ensemble du continent, avec plus de 60 % de la production industrielle provenant de secteurs à faible valeur ajoutée. Pourtant, l’Afrique possède plus de 30 % des réserves mondiales de cobalt, mais représente moins de 1 % de la production mondiale de batteries. Selon le dernier rapport de l’ONU publié à l’occasion de la Journée de l’industrialisation de l’Afrique, le 20 novembre : « L’avenir industriel de l’Afrique est à portée de main. Les cadres sont en place. La vision continentale est claire. Ce qu’il faut maintenant, ce sont des investissements ciblés à la hauteur du potentiel de l’Afrique ... Grâce à un engagement collectif, l’Afrique peut transformer son potentiel en puissance économique et refaçonner le paysage industriel mondial ».
Animée par Emad Al-Din Hussein, rédacteur en chef d’Al-Shorouk, cette session abordera la création d’une « identité productive » africaine. Les discussions seront menées par des leaders industriels et politiques. Sherif El-Gabaly, président de la commission des affaires africaines au Parlement égyptien, se concentrera sur le cadre législatif et les lois d’investissement et d’innovation nécessaires. Marie-Louis Bishara, membre du conseil d’administration de la Chambre de l’industrie du prêt-à-porter à l’Union des industries égyptienne, mettra en lumière les opportunités pour l’Egypte d’augmenter ses exportations manufacturières vers les marchés africains dans le secteur textile. Cette industrie, fortement consommatrice de main-d’oeuvre, est un levier puissant pour l’emploi des jeunes et l’autonomisation des femmes.
Majed George, ancien président du Conseil d’exportation des industries médicales et pharmaceutiques, explorera les stratégies pour augmenter la part des exportations pharmaceutiques égyptiennes et encourager la co-production de médicaments pour réduire la dépendance aux importations estimées à plus de 80 % pour certains produits essentiels. Kimoko Diakité, ambassadeur du Sénégal, partagera les expériences de réformes industrielles de son pays, notamment via la création de zones industrielles spéciales pour attirer les Investissements Directs Etrangers (IDE). Fadel M. Yacoub, ministre plénipotentiaire pour les Affaires de l’Afrique et du COMESA, détaillera le rôle des blocs économiques régionaux comme le COMESA dans l’harmonisation et la simplification des échanges logistiques et financiers transfrontaliers. En conclusion, Abdellatif Olama, PDG de Jumia Egypt, démontrera comment le commerce électronique est un vecteur de valeur ajoutée pour les produits « Fabriqués en Afrique », permettant aux Petites et Moyennes Entreprises (PME) de contourner les défis logistiques physiques.

L’Afrique finance sa croissance
Le troisième et dernier panel, intitulé « Le renforcement de la puissance financière africaine et de l’intégration financière », est crucial. La réussite de l’intégration continentale dépendra de la capacité de l’Afrique à financer ses propres projets et à sécuriser ses flux financiers.
Cette session explorera le renforcement de l’intégration financière, en cherchant à établir une feuille de route pour développer des outils de financement innovants et harmoniser les politiques monétaires pour faciliter les paiements transfrontaliers. Ayman Abdel-Wahab, président du Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram, guidera les discussions autour du défi de la fragmentation financière et du renforcement de la résilience du continent face aux défis géopolitiques mondiaux. La session finale, en présence d’Ahmed Kouchouk, ministre des Finances, se penchera sur le rôle crucial du financement pour le continent, dont les besoins d’investissement sont estimés entre 140 et 170 milliards de dollars par an, notamment dans les infrastructures. Le ministre détaillera la stratégie financière de l’Egypte en faveur de l’intégration régionale et expliquera comment une meilleure gouvernance financière et des politiques d’incitation fiscale peuvent attirer les IDE. Le débat mettra l’accent sur le rôle des PME, moteurs de la croissance, avec la participation de Bassel Rahmy, président de l’Agence de développement des PME. L’accès au financement pour les PME, qui représentent plus de 90 % des entreprises du continent, est particulièrement difficile, entravant leur capacité à se développer et à exporter. Des représentants majeurs du secteur bancaire, tels Mouawia Essekelli, PDG et président exécutif du groupe Attijariwafa Bank Egypt, et Ahmed Ragab, économiste en chef auprès de la Banque Africaine de Développement (BAD), détailleront les mécanismes pour promouvoir l’utilisation de systèmes de règlement en monnaies locales ou unifiées et pour combler l’énorme fossé de financement auquel sont confrontés les mégaprojets interrégionaux. Enfin, Mufleh Al-Rashidi, PDG de la compagnie Boubyan, conclura la session en discutant des stratégies de partenariats cross-continentaux pour le financement de projets d’envergure.
La conférence sera clôturée par une allocution de Dr Mahmoud Mohieldin, envoyé spécial des Nations-Unies pour le financement du développement durable. Son intervention est attendue pour mettre en lumière les stratégies-clés pour autonomiser l’Afrique et lui permettre d’accéder à l’investissement durable.



