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Économies

Sous embargo jihadiste, Bamako défend sa souveraineté énergétique

Face au blocus imposé par le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (JNIM) sur les approvisionnements en hydrocarbures, le Mali déploie une stratégie mêlant riposte militaire, diplomatie régionale et mesures de résilience interne.

Entre frappes aériennes, coopération avec ses voisins et maintien des services publics, Bamako tente de préserver son autonomie énergétique et de contenir les effets d’une guerre d’usure économique imposée par le JNIM.

Mercredi 5 novembre 2025, le ministre des Affaires étrangères, Abdoulaye Diop, a réuni à Bamako le corps diplomatique accrédité au Mali pour faire le point sur la situation sécuritaire et les difficultés d’approvisionnement en carburant. Il a détaillé les mesures prises pour sécuriser les corridors logistiques reliant le pays aux ports d’Abidjan, de Dakar et de Conakry, soulignant la coordination entre les Forces armées maliennes (FAMa) et leurs partenaires de la Confédération des États du Sahel (AES). Les escortes de convois et les opérations de neutralisation de groupes armés se multiplient afin de garantir la circulation des camions-citernes.

Depuis septembre, les attaques répétées contre les convois de carburant en provenance du Sénégal, de la Côte d’Ivoire et du Niger ont provoqué une forte tension sur les stocks. Des villes entières connaissent des ralentissements des transports, la réduction des horaires scolaires et des perturbations économiques. Le JNIM, affilié à Al-Qaïda, revendique désormais un blocus du diesel et de l’essence entrant au Mali, cherchant à paralyser le cœur économique du pays.

Le gouvernement a réagi par une intensification de ses frappes aériennes. Le 6 novembre, des opérations ciblées ont visé des positions jihadistes dans la région de Sikasso, à proximité des corridors ivoirien et guinéen. Ces frappes, destinées à protéger les convois de carburant, illustrent la volonté de Bamako de préserver ses lignes d’approvisionnement vitales.

Sur le plan diplomatique, la coopération avec le Sénégal s’est renforcée. Le général Birame Diop, ministre sénégalais des Forces armées, a reçu à Dakar une délégation malienne conduite par le colonel-major Oumarou Maïga pour discuter du renforcement de la coopération militaire. Cette rencontre s’inscrit dans une série d’initiatives bilatérales menées depuis 2024, marquées par des patrouilles conjointes à la frontière et des échanges réguliers entre Dakar et Bamako.

Malgré le retrait du Mali de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) en janvier 2025, les deux pays maintiennent une collaboration pragmatique, fondée sur la stabilité régionale et les liens économiques. Le Mali reste le premier client africain du Sénégal, absorbant plus de la moitié des exportations sénégalaises vers le continent, dont une large part de produits pétroliers.

Sur le terrain, les signes de résilience se multiplient. Les écoles, fermées pendant deux semaines en raison de la crise du carburant, ont rouvert le 10 novembre. Le ministère de l’Éducation a salué la patience des enseignants et des élèves, tout en reconnaissant la persistance des difficultés logistiques. À Bamako comme dans les régions, les stations-service rouvrent progressivement, malgré des files d’attente toujours longues et une distribution irrégulière.

La crise actuelle met en lumière une nouvelle forme de guerre menée par les groupes armés : une guerre d’asphyxie économique visant à affaiblir l’État malien par la perturbation de ses circuits énergétiques.

Le président de la Commission de l’Union africaine, Mahmoud Ali Youssouf, a exprimé sa profonde préoccupation face à la dégradation de la situation et appelé à une réponse internationale coordonnée.

Dans une tribune, l’ancien ministre sénégalais de l’Intérieur Aly Ngouille Ndiaye a exhorté les dirigeants ouest-africains à ne pas attendre que « Bamako tombe » pour agir, soulignant que l’effondrement du Mali aurait des répercussions sécuritaires et économiques pour l’ensemble de la sous-région.

Pour Bamako, la défense de la souveraineté énergétique est désormais une question de survie nationale. Entre menace jihadiste, dépendance aux importations et besoin de coopération régionale, le Mali cherche à transformer la crise en levier de résilience, affirmant sa détermination à tenir, coûte que coûte, face à l’embargo imposé.

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