Les sympathisants du principal parti d'opposition en Côte d'Ivoire sont appelés à manifester jeudi devant les tribunaux du pays après l'exclusion de leur candidat Tidjane Thiam de la course à la présidentielle. Les autorités ont prévenu que "le désordre ne sera pas toléré".
Tidjane Thiam, président d'un parti d'opposition ivoirien, salue ses partisans lors d'un meeting politique en vue de l'élection présidentielle, le 15 février 2025, à Abidjan © Sia KAMBOU / AFP/Archives
À six mois de l'élection présidentielle en Côte d'Ivoire, qui doit se tenir le 25 octobre, le principal parti d'opposition, a appelé à manifester jeudi 24 avril devant les tribunaux du pays, premier appel à la mobilisation après l'éviction par la justice de son candidat Tidjane Thiam.
Cet appel à la mobilisation est un important test pour voir si l'opposant Tidjane Thiam, un banquier international de 62 ans actuellement en France, réussira à mobiliser la rue et quelle sera l'attitude des forces de l'ordre.
Les périodes électorales sont toujours tendues dans le pays francophone le plus riche d'Afrique subsaharienne encore traumatisé par les violences meurtrières de 2010-2011 et qui est redevenu cette dernière décennie un pôle de stabilité dans une région secouée par les coups d'État militaires et les attaques jihadistes.
Le chef des députés du Parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI), Simon Doho, a appelé mercredi à une mobilisation nationale : "Partout sur l'étendue du territoire, chaque Ivoirien là où il se trouve va marcher devant le palais de justice de sa région, de sa ville."
Le palais de justice d'Abidjan où a été décidée la radiation de la liste électorale de Tidjane Thiam, candidat du Parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI), principal parti d'opposition, le 22 avril
Le palais de justice d'Abidjan où a été décidée la radiation de la liste électorale de Tidjane Thiam, candidat du Parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI), principal parti d'opposition, le 22 avril 2025 à Abidjan © Issouf Sanogo, AFP
"Il n'y a pas de paix en Côte d'Ivoire, il y a une situation de tension, il y a une situation antidémocratique, il y a un déni de démocratie", a-t-il affirmé un peu plus tard dans la journée dans une vidéo.
À Abidjan, la capitale économique qui compte six millions d'habitants, la marche est prévue jeudi à 9 h (locales et GMT), de la permanence du parti dans le quartier des affaires du Plateau jusqu'au tribunal voisin.
En Côte d'Ivoire, les manifestations peuvent avoir lieu avec une autorisation de la police, mais sont presque systématiquement refusées. "Le désordre ne sera pas toléré, ce n’est pas une menace, on peut considérer que c’est un conseil", a souligné le porte-parole du gouvernement, Amadou Coulibaly, à l'issue du conseil des ministres.
Plusieurs opposants écartés de la présidentielle
Les tensions politiques montaient déjà progressivement ces dernières semaines dans le pays face à l'éviction d'autres opposants, comme l'ancien président Laurent Gbagbo (2000-2011), exclus de la course en raison d'une condamnation judiciaire.
Mais les choses se sont brutalement accélérées mardi avec une décision du tribunal d'Abidjan qui écarte Thiam de la course électorale. La justice estime qu'il a perdu la nationalité ivoirienne quand il a acquis la nationalité française en 1987 et qu'il ne pouvait donc pas s'inscrire en 2022 sur la liste électorale. La décision n'est susceptible d'aucun recours.
Né en Côte d'Ivoire, il a obtenu la nationalité française en 1987 et y a renoncé le mois dernier, afin de se présenter à la présidentielle, un scrutin pour lequel un candidat ne peut être binational.
"Gonflé à bloc", Tidjane Thiam s'est déclaré déterminé à aller de l'avant : "C'est moi ou personne, nous ne présenterons pas d'autre candidat."
"On va continuer à se battre sur le terrain et montrer au pouvoir que c'est une décision qui est mauvaise pour la Côte d'Ivoire", a-t-il assuré dans un entretien téléphonique à l'AFP.
Si ses partisans ont dénoncé une décision "politique" visant à écarter leur candidat, le parti au pouvoir répond ne pas être impliqué dans cette affaire.
Tidjane Thiam visé par une autre procédure judiciaire
La Coalition pour l'alternance pacifique en Côte d'Ivoire (CAP-CI), qui regroupe une vingtaine de formations d'opposition, dont le PDCI, a dénoncé "des dérives autoritaires".
"Le pouvoir s’apprête aujourd'hui à travers l'exclusion de Tidjane Thiam à faire un passage en force pour organiser des élections avec des adversaires choisis, en vue de se déclarer vainqueur au premier tour de l’élection présidentielle", a déclaré sa porte-parole Simone Ehivet Gbagbo, dans une déclaration publiée sur Facebook.
Les ennuis judiciaires de Tidjane Thiam ne sont par ailleurs peut-être pas terminés : jeudi également, une audience du tribunal d'Abidjan doit avoir lieu, concernant une procédure qui pourrait le démettre de ses fonctions de président du parti. Une militante de cette formation conteste en effet sa légitimité, toujours en raison de sa binationalité.
Le parti au pouvoir n'a de son côté pas encore désigné son candidat. Il organisera en juin un congrès au cours duquel Alassane Ouattara, 83 ans, au pouvoir depuis 2011, pourrait se prononcer. Le chef de l'État s'est déjà dit "désireux de continuer à servir son pays".
Source: l'AFP